- 18 mars 2024
Françoise Spiekermeier
Sur les bords de la mer Mediterranée, découvrir Cassis, de fjords en calanques
Entre Marseille et La Ciotat, accroché à sa plage, cerné par de hautes falaises, le petit port de pêche de Cassis a conservé son cachet provençal. Il distille un art de vivre à nul autre pareil. Le charme agit dès le premier regard: dans la divine baie, coupée du reste du monde, la vie s’écoule au contact des éléments et du bleu azur de la mer Méditerranée.
Les boucles sinueuses de la route vous balancent entre pinède et vignobles, vous rapprochant de la grande plage de sable. L’ivresse est là, avant même de tremper les lèvres dans son fameux vin blanc. Un décor sublime se déplie: la mer bleu cobalt omniprésente en toile de fond, prise en enclume entre les plus hautes falaises marines de France et le somptueux massif des Calanques. Bleu de la mer devant, blanc éblouissant des calanques à l’ouest et rouge sanguin du cap Canaille à l’est… L’un des plus beaux spots de la riviera française hisse son drapeau: bienvenue à Cassis!
Depuis le port de pêche, balade sur la route côtière, de fjord calcaire, en calanques, en plage
Si l’anse de l’Arène, dernière plage avant les falaises Soubeyranes, qui séparent Cassis du port de La Ciotat, est accessible uniquement par la mer, celle du Corton, avec ses galets et sa digue abandonnée, peut se rejoindre depuis la route côtière. Il n’est pas rare de voir passer des petits chalutiers allant poser leurs filets dans les fonds poissonneux d’où s’échappent de nombreuses sources sous-marines. Depuis des générations, les pêcheurs de Cassis bénéficient d’un environnement exceptionnel; idéal pour déguster dorades, loups, poulpes et parfois araignées de mer sur le port du village, tous les matins.
En se baladant sur le port, au-delà du jeu de boules, on rejoint l’unique plage de sable située dans l’anse de la Grande Mer: matelas, parasols, paillotes invitent à la détente. En plein été, une échappée s’ouvre vers des coins plus reculés, dans les rochers du côté des calanques. Au port, les bateaux de croisière attendent les flopées d’explorateurs venus admirer la succession de fjords calcaires aux fonds cristallins. On peut choisir d’en visiter trois, cinq ou neuf, selon le temps imparti. Pour les découvrir toutes (vingt-sept!), autant louer un kayak de mer, un paddle ou un bateau semi-rigide à la journée… sans permis
Le port vu de la plage du Bestouan
Passé le port à pied et les terrasses de café inondées de soleil, on craque pour quelques accessoires couleur locale, comme un panier tressé ou une paire d’espadrilles, étalés aux frontons des boutiques du village. Cap ensuite sur la plage du Bestouan, avec ses galets blancs et son échancrure panoramique embrassant le paysage côtier. L’ambiance y est familiale. À l’arrière de la plage, les anciennes carrières du Bestouan extrayaient la fameuse pierre de Cassis, incrustée de fossiles marins, dont les blocs ont servi à la construction du phare mais aussi aux bordures du canal de Suez! On attendra le soir pour revenir à l’Hôtel des Roches Blanches, savourer un cocktail sur la terrasse orientée à l’est avec la vue sur le village et les falaises rouges du cap Canaille qui s’embrasent au coucher du soleil, tandis que la mer argentée vire à l’écarlate… Suivez la route étroite, sinuant entre villas et pinèdes: elle vous introduit sur la presqu’île, contrefort de la première calanque du massif, Port-Miou.
Le sentier du Petit Prince: l’entrée des calanques
Marcher met les merveilles de Cassis à vos pieds. Sur la presqu’île, ce sentier se boucle en 30 minutes et permet d’embrasser le site dans sa magnificence. Antoine de Saint-Exupéry a laissé sa marque dans les calanques, où sa gourmette militaire fut découverte dans l’épave de son avion engloutie au large. Il survolait les calanques en vol de reconnaissance lorsque son appareil fut abattu par l’ennemi un matin de juillet 1944. L’ombre du Petit Prince plane tout autour… Les calanques sont une autre planète! Du port de plaisance qui s’y love, un sentier de randonné balisé par le Parc national des Calanques rejoint la sublime calanque d’En-Vau. Mais inutile d’aller si loin. La Plage bleue, au bout de la presqu’île, offre ses dalles en pente d’où l’on plonge dans la Grande Bleue.
Survolées en biplan, à la recherche de Saint-Exupéry
S’il est interdit de survoler les calanques pour ne pas déranger les aigles marins et la faune, protégée depuis la création du parc national en 2012, on peut les approcher de près depuis les airs. Et en “décapotable”, coiffé d’un casque de cuir et de lunettes d’époque dans une réplique d’avion de l’aéropostale, très légère et équipée d’un moteur d’ULM aux pales en bois, dont la vitesse n’excède pas les 120 km/h. Le survol de cette portion de côte à 1000 mètres d’altitude offre une expérience inoubliable: une heure et demie plus près des nuages et au cœur de la beauté où Saint-Exupéry a enfoui son cénotaphe.
Churchill en figure locale
Devant cet environnement dantesque, Winston Churchill, le célèbre Premier ministre britannique, était littéralement tombé en pâmoison. Il multipliait ses séjours d’une extrémité à l’autre de la baie, balançant son cœur sur la toile à l’aide des couleurs et des pinceaux, immortalisant sans se lasser la silhouette du cap Canaille depuis la maison d’une artiste anglaise installée dans le petit village de pêcheurs dès 1910: Madge Oliver était devenue son professeur de peinture. Il suffit de s’arrêter à la Fondation Camargo pour trouver l’angle de vue exact dans l’ancienne bâtisse du maître.
Le coucher de soleil sur la route des Crêtes
S’envoler sans quitter la terre… en parcourant les crêtes du massif de Canaille, qui s’étirent sur 4 kilomètres le long de la mer. Avec une altitude vertigineuse de 394 mètres, le massif abrite les falaises maritimes les plus hautes de France. Au départ du village, empruntez la route des Crêtes qui rallie La Ciotat en traversant le massif de la Canaille. La route est barrée les jours de fort mistral. Les soirs cléments, les rebords des falaises offrent de multiples replis pour se caler en observant la descente du disque solaire derrière la ligne d’horizon. En été, les couples affluent, les serments s’envolent vers le large… Les contours de la roche embrasée se diluent peu à peu dans le mercure, les veilleuses scintillent aux mâts des voiliers et se balancent, uniques repères dans l’obscurité relative. Le noir, ici, est plus que jamais lumière.